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Sous l’effet de la rouille, l’immunité des plantes se grippe


France
May 2, 2011

Les génomes des champignons responsables de la rouille noire du blé et de la rouille foliaire du peuplier ont été décryptés et analysés par un consortium international associant des chercheurs de l’INRA, du CNRS et des universités Henri Poincaré – Nancy 1 et d’Aix-Marseille I et II (Université de Provence – Université de la Méditerranée), ainsi que les centres de séquençage du Joint Genome Institute et du Broad Institute of MIT and Harvard, et le service de recherche agricole (ARS) de l’USDA et de l’université du Minnesota aux Etats-Unis. Cette analyse met en évidence la présence d’un grand nombre de gènes chez ces deux champignons pathogènes, jusqu’ici encore jamais identifiés chez d’autres espèces. Ces gènes permettent la synthèse de protéines utilisées par les champignons pour neutraliser le système immunitaire de leurs hôtes respectifs. Ces nouvelles données seront utiles pour identifier les facteurs permettant aux rouilles de contourner les résistances à la maladie chez le blé et le peuplier. L’ensemble de ces résultats est publié dans l’édition en ligne avancée de la revue PNAS du 2 Mai 2011.

Comprendre les caractéristiques biologiques des propriétés invasives des champignons pathogènes des plantes permet à terme d’envisager des solutions plus durables pour s’en débarrasser. Causées par différentes espèces de champignons microscopiques, les maladies communément appelées "rouilles" causent des dégâts conséquents chez de nombreuses plantes d’importance agronomique, comme le blé, le soja, le caféier ou encore le peuplier. Dans une nouvelle étude, un consortium international de chercheurs qui associe notamment les centres INRA de Nancy et de Versailles, l’université Henri Poincaré – Nancy 1 ainsi qu’une équipe mixte CNRS/Université d’Aix-Marseille a séquencé et réalisé une analyse comparative des génomes de la rouille du blé et du peuplier. Ces maladies sont causées par des champignons dits biotrophes1, c'est-à-dire qu’ils se nourrissent de leurs plantes hôtes tout en les maintenant en vie. Ces champignons affaiblissent fortement les plantes attaquées et causent des baisses importantes de rendements en culture. La croissance et la reproduction des rouilles sont entièrement dépendantes des plantes dont ils sont pathogènes.

Le séquençage des génomes des champignons responsables de la rouille noire du blé (Puccinia graminis f. sp. tritici) et de la rouille foliaire du peuplier (Melampsora larici-populina) livre des résultats majeurs pour la compréhension du caractère parasitaire de la rouille.
Ainsi, les génomes des rouilles ont des tailles importantes et un très grand nombre de gènes (plus de 16000 chez les deux champignons). Parmi ceux-ci, plus de la moitié correspondent à de nouveaux gènes non identifiés auparavant chez d’autres pathogènes des plantes. Notamment, les génomes des rouilles présentent la particularité de pouvoir synthétiser plus d’un millier de protéines (dont la majorité sont spécifiques aux rouilles), ayant le profil typique d’effecteurs. Ces effecteurs sont des petites protéines sécrétées qui permettraient de neutraliser les systèmes de défense des plantes lors de l’infection. Les génomes des rouilles Melampsora larici-populina et Puccinia graminis contiennent également une très large proportion d’éléments transposables2. Ces derniers ont pu contribuer à des innovations chez les rouilles, notamment en favorisant la diversification de nouveaux gènes lors de la co-évolution avec les plantes-hôtes.

Les rouilles sont des maladies très difficiles à étudier du fait de leur mode de vie biotrophe obligatoire. Très peu de rouilles ont pu être isolées et maintenues artificiellement en laboratoire. Le séquençage de ces deux génomes constitue donc une avancée importante dans le domaine de la pathologie végétale du fait de l’importance des maladies des rouilles sur les plantes de grandes cultures d’intérêt agronomique. Ces résultats devraient permettre une meilleure compréhension des mécanismes permettant la mise en place de la biotrophie.


 

Zoom sur la rouille du peuplier

Le peuplier constitue une production importante en Europe pour le bois d’industrie et sa contribution à des filières énergétiques est en nette progression. Melampsora larici-populina, l’agent de la rouille foliaire du peuplier, est le principal facteur limitant la croissance du peuplier. Cette maladie cause des dégâts importants dans les peupleraies et impacte les rendements avec des baisses d’accroissement annuel jusqu’à 50% observés sur des arbres en plantations. En l’espace de quelques décennies, l’agent de la rouille foliaire du peuplier a été capable de contourner les résistances présentes chez presque tous les cultivars de peuplier utilisés en plantations et il apparaît urgent de mieux comprendre les bases génétiques de la maladie pour sélectionner des cultivars avec des résistances durables à la rouille. Après le séquençage du génome du peuplier en 20063, celui du génome de la rouille du peuplier devrait permettre d’identifier les facteurs responsables de l’établissement de la maladie et de savoir comment ces facteurs évoluent pour contourner les résistances de l’arbre.
Sur la base de ces connaissances, il sera alors possible de proposer des méthodes de lutte plus efficaces et plus durables pour l’environnement à travers la sélection génétique d’arbres résistants.
 

Feuille de peuplier atteinte par la rouille. ©Benjamin Petre/INRA

 

Zoom sur la rouille noire du blé

La rouille noire du blé causée par Puccinia graminis f. sp. tritici a été responsable par le passé d’épidémies importantes partout où le blé a été planté. Depuis le milieu du siècle dernier, l’utilisation de variétés résistantes pour la culture du blé a permis de limiter l’impact de la maladie. Cependant l’apparition en 1999 en Ouganda de la souche hyper-virulente Ug99 du champignon et sa détection ultérieure en Afrique du Sud, au Yémen et en Iran, représentent une menace pour la production mondiale. En effet, 85 % des variétés de blé cultivées dans les zones majeures de production sont potentiellement sensibles à cette souche. Dans la zone actuellement la plus menacée (Moyen-Orient, Asie Centrale et sous-continent indien), ces variétés couvrent 90 % des surfaces emblavées en blé. Un programme mondial contre la maladie a d’ailleurs été réactivé4. Le séquençage du génome de la rouille du blé ouvre donc des perspectives importantes pour la compréhension des mécanismes conduisant au contournement des résistances à cette maladie chez le blé, et notamment pour l’identification des effecteurs qui manipulent les systèmes de reconnaissance de la plante. Cette avancée cruciale dans le domaine de la génomique des champignons devrait permettre de contribuer à la sélection de nouvelles variétés de blé pour contrer la souche Ug99 et de nouvelles souches agressives du champignon.

 

 


Plants de blé atteints de rouille noire. ©Marc Fouchard/INRA


1Les autres familles de champignons peuvent être nécrotrophes (elles tuent leurs plantes hôtes) ou encore hémibiotrophes (phase biotrophe suivie d’une phase nécrotrophe).
2Aussi appelé transposon, un élément transposable est une séquence d'ADN capable de se déplacer et de se multiplier de manière autonome dans un génome.
3
http://www.nancy.inra.fr/la_science_et_vous/genome_du_peuplier 
4
http://www.globalrust.org/ 


Références
:

Obligate biotrophy features unraveled by the genomic analysis of rust fungi. PNAS édition en ligne avancée du 2 mai 2011 :
doi 10.1073/pnas.1019315108
Sébastien Duplessisa, Christina A. Cuomob, Yao-Cheng Linc, Andrea Aertsd, Emilie Tisseranta, Claire Veneault-Fourreya, David L. Jolye, Stéphane Hacquarda, Joëlle Amselemf, Brandi L. Cantarelg, Readman Chiuh, Pedro M. Coutinhog, Nicolas Feaue, Matthew Fieldh, Pascal Freya, Eric Gelhayea, Jonathan Goldbergb, Manfred G. Grabherrb, Chinnappa D. Kodirab, Annegret Kohlera, Ursula Küesi, Erika A. Lindquistd, Susan M. Lucasd, Rohit Magoj, Evan Maucelib, Emmanuelle Morina, Claude Murata, Jasmyn L. Pangilinand, Robert Parkk, Matthew Pearsonb, Hadi Quesnevillef, Nicolas Rouhiera, Sharadha Sakthikumarb, Asaf A. Salamovd, Jeremy Schmutzd, Benjamin Sellesa, Harris Shapirod, Philippe Tanguaye, Gerald A. Tuskanl,d, Bernard Henrissatg, Yves Van de Peerc, Pierre Rouzéc, Jeffrey G. Ellisj, Peter N. Doddsj, Jacqueline E. Scheinh, Shaobin Zhongm, Richard C. Hameline, Igor V. Grigorievd, Les J. Szabon,m, and Francis Martina
aUnité Mixte de Recherche 1136, INRA/Nancy Université, Interactions Arbres/Micro-organismes, Centre de Nancy, 54280 Champenoux, France; bBroad Institute of Massachusetts Institute of Technology and Harvard University, Cambridge, MA 02142; cDepartment of Plant Systems Biology, VIB, B-9052 Ghent, Belgium; dUS Department of Energy Joint Genome Institute, Walnut Creek, CA 94598; eNatural Resources Canada, Ste-Foy, QC, Canada G1V 4C7; fINRA, Unité de Recherche Génomique Info, 78026 Versailles Cedex, France; gUnité Mixte de Recherche 6098, CNRS–Universités Aix-Marseille I and II, Marseille, France; hGenome Sciences Centre, British Columbia Cancer Agency, Vancouver, BC, V5Z 4S6 Canada; iDivision of Molecular Wood Biotechnology and Technical Mycology, Büsgen-Institute, University of Göttingen, Büsgenweg, 37077 Göttingen, Germany; jCommonwealth Scientific and Industrial Research Organization, Plant Industry, Canberra, ACT 2601, Australia; kPlant Breeding Institute Cobbitty, University of Sydney, Camden, NSW 2570, Australia; lBiosciences Division, Oak Ridge National Laboratory, Oak Ridge, TN 37831-6422; mDepartment of Plant Pathology, University of Minnesota, St. Paul, MN 55108; nCereal Disease Laboratory, Agricultural Research Service, US Department of Agriculture, St. Paul, MN 55108




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Published: May 3, 2011

 

 

 

 

 

 

 


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