France
February 11, 2025
Le 6 février 2025, SEMAE, l’interprofession des semences et plants, et l’AGPB, Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales, ont réuni une centaine de participants pour la Rencontre filière semences à la Cité internationale universitaire de Paris. Un événement marquant qui a mis en lumière les défis actuels et futurs du secteur dans un contexte mondial tendu.
Un appel à la mobilisation
Dès l’ouverture, Thierry Momont, président de la section Céréales à paille et protéagineux de SEMAE, a dressé un constat sans concession : « L’année 2024 a été particulièrement difficile pour la profession », en mettant en avant l’impact des conditions météorologiques sur les rendements et la qualité de la récolte, les coûts de production qui restent à un niveau élevé et les cours des matières premières agricoles en retrait. S’y ajoutent les incertitudes liées à l’élection de Donald Trump et l’augmentation des droits de douane, compliquant davantage les décisions stratégiques pour les producteurs.
Thierry Momont a également souhaité rappeler le rôle essentiel de la création variétale pour permettre de répondre aujourd’hui aux enjeux agricoles de demain : « L’année 2025 est marquée par le renouvellement du financement de la recherche par la CRIV. Sans financement, il ne peut y avoir de progrès génétique. » Il a notamment salué l’étude menée par l’UFS et Arvalis. Des essais incluant les principales variétés cultivées entre 1980 et 2024 en blé tendre, blé dur, orge d’hiver, orge de printemps et triticale ont été semés dans tous les gros bassins de production en France. L’objectif est de démontrer l’apport du progrès génétique et du retour sur investissement de son financement.
« Nous avons voulu mettre en avant la filière protéagineuse, sinistrée mais pleine d’atouts. Il est urgent d’agir. » a poursuivi Thierry Momont. En effet, les surfaces cultivées, en semences certifiées, sont passées de 800 000 hectares dans les années 1990 à seulement 100 000 hectares aujourd’hui.
Les protéagineux : un enjeu stratégique pour l’agriculture française
Les protéagineux sont en danger, et pourtant, leur rôle est déterminant. Que ce soit pour l’allongement des rotations, la réduction de l’impact carbone ou encore la diversification des productions, ils apparaissent comme un levier essentiel pour la résilience agricole.
« La féverole a mieux supporté que le pois protéagineux les conditions climatiques de ces deux dernières années. Ses surfaces cultivées progressent, mais elles ne parviennent pas à compenser la chute de celles des pois.« , souligne François Cuvelier, directeur commercial chez Agri Obtentions. Mais il reste un défi à relever : structurer une véritable filière, à l’image de celle de l’orge et du malt brassicole.
« L’innovation est essentielle« , ajoute Adrien Dupuy, agriculteur et administrateur de la FOP. « Le programme Pea4ever ouvre des perspectives prometteuses, mais encore faut-il qu’un véritable écosystème de valorisation soit mis en place« . Céline Gillet, directrice générale de la Scara, insiste sur l’importance pour les coopératives de développer des outils de transformation adaptés pour garantir un débouché aux producteurs.
Le financement de la recherche : un enjeu crucial
Le modèle de financement de la recherche varie fortement selon les pays, impactant directement la compétitivité du secteur. Avec l’imminence du renouvellement de l’accord sur la contribution recherche variétale (CRIV) en juillet 2025, la question est plus que jamais d’actualité.
« Il n’existe pas de système idéal, mais en France, nous avons une grande diversité d’acteurs convaincus que l’innovation est la clé de notre avenir« , explique Jean-Fred Cuny, directeur général de la SICASOV. La redevance sur la semence certifiée, qui finance à hauteur de 50 à 60 % la recherche, est jugée équitable mais doit être préservée et consolidée.
L’intelligence artificielle : un atout pour la filière ?
Le potentiel de l’intelligence artificielle (IA) dans la sélection variétale et l’optimisation des rendements suscite un intérêt croissant. Déjà utilisée sur différents maillons de la chaîne, l’IA pourrait améliorer la prédiction des rendements et la qualité des cultures.
« L’IA est un véritable levier pour la sélection variétale et l’anticipation des conditions climatiques« , affirme Bruno Claustres, responsable data et innovation digitale chez RAGT.
Toutefois, comme le souligne Anthoni Noyon, directeur de la SCND, des défis majeurs demeurent : « Nous devons assurer une gouvernance rigoureuse des données et respecter les réglementations en matière de protection des données ainsi que le respect de la vie privée « .
Un avenir à construire ensemble
En clôture de cette matinée riche en échanges, Éric Thirouin, président de l’AGPB, a remercié Thierry Momont d’avoir associé les producteurs de blé et a rappelé l’importance de la recherche et de l’innovation pour relever les défis du secteur. « La recherche variétale compense une partie de nos contraintes, mais nous devons aller plus loin. Face à une situation agricole critique, il est impératif d’unir nos forces pour construire ensemble des solutions durables« .
La Rencontre filière semences a permis de réaffirmer un engagement collectif pour une agriculture résiliente et innovante. Le travail se poursuit, avec l’ambition de garantir un avenir durable pour les semences et les productions agricoles en France.
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